Le Brandy en France

Histoire

La France bénéficie de nombreuses régions viticoles et des cépages très variés. La vigne est arrivée dans le pays avec les légions romaines et s’est rapidement développée si bien qu’au 3e siècle elle occupait déjà les régions qu’elle occupe aujourd’hui, en y adaptant différents cépages, rouges comme blancs.

Très tôt, le vigneron était confronté à deux difficultés : une récolte difficile à programmer générant parfois des excédents qui perturbent les marchés et la fragilité de certains vins difficiles à conserver sauf à privilégier l’acidité au détriment du goût. Les solutions manquaient de souplesse. Il fallait soit procéder à l’arrachage des vignes (depuis les ordres de l’Empereur Romain Domitien jusqu’aux règlements de l’Union européenne) ; soit se résigner à voir évoluer les vins fragiles vers le vinaigre.

Au 14e siècle, la distillation, connue depuis l’antiquité, mais peu pratiquée et réservée principalement à la pharmacopée et la parfumerie, voit ses mécanismes décrits par Arnaud de Villeneuve, et un peu plus tard (1440), par Savonarole dont on doit la construction du premier alambic en métal. Son usage va se répandre progressivement dans les différentes régions viticoles et apporter enfin une solution aux problèmes d’excédents.

C’est le commerce international qui va assurer le développement des eaux-de-vie de vin et contribuer ainsi à ce qu’est devenu aujourd’hui le « Brandy Français »/« French Brandy ». À partir de 1600, les Hollandais devenus indépendants vont développer le commerce maritime et, déjà très actifs dans celui des vins, ils vont l’étendre à celui des eaux-de-vie de vin. Très appréciées par les consommateurs du nord, d’un volume plus réduit et sans les problèmes de conservation des vins qui devaient parfois être distillés à l’arrivée. Ce commerce se fait surtout dans les régions viticoles proches des ports de l’Atlantique (Bordeaux – La Rochelle) ou de la Méditerranée (Marseille – Sète). Ces derniers seront moins actifs après la mise en service du canal du Midi (1680). De plus le transport et le stockage en fûts de bois apportant une bonification très appréciée, cette pratique entra dans l’élaboration du produit final.

Le Brandy élaboré en France s’appelait « Brandy of Cognac » ; à cette période l’appellation n’était pas règlementée comme aujourd’hui. L’influence des Anglais et des Hollandais sur le Brandy peut toujours s’observer dans la mesure où l’on a conservé les dénominations de vente « VS », « VSOP » et « XO » provenant de l’anglais.

À la fin du 19e siècle, les choses vont basculer avec la crise du phylloxéra entre 1868 et 1895, la majorité du vignoble français est atteint et détruit. Il devient à cette époque difficile de faire du Brandy ; la pénurie de vin se fait cruellement sentir. Le vin et les matières premières proviendront pour élaborer le Brandy dès lors le plus souvent du midi de la France. On utilisait à l’époque l’expression des trois-six qui était une dénomination qualitative qui circulait dans les zones de distillation et qui donnait les quantités d’eaux-de-vie des différentes régions à inclure dans la boisson. Cette qualité découlait de l’évolution du système de distillation qui passait de 70 % à 80-85 %. Les eaux-de-vie apparaissent comme meilleures et plus légères. On peut supposer que la règlementation actuelle qui veut une distillation à moins de 86 % se soit inspirée de la meilleure qualité d’eaux-de-vie engendrée par une telle distillation. De plus, il apparait que si l’on rajoute 45 à 50 % d’eau on retombe sur les normes actuelles qui veulent que le Brandy affiche un taux alcoolique volumique d’au moins 36 degrés.

Dans les années 1950, la surproduction et de production de vin médiocre n’avait plus qu’une seule issue : être distillée. À cette époque l’état avait un monopole en la matière. Le vin était d’État et il finissait au final par lui revenir. Après la distillation, cet alcool avait plusieurs destinations : la mise en faveur des professionnels de la filière des eaux-de-vie, il pouvait être exporté dans les pays tiers en tant que Brandy, l’alcool médicinal, l’utilisation industrielle (peinture, vernis…) ou encore servir d’alcool neutre lorsque qu’il dépassait les 95 °.

L’État avait un rôle interventionniste, il interférait à chaque fois qu’une situation de surproduction voyait le jour, cela permettait la régulation de l’activité agricole et le maintien des cours du vin.

Dans la décennie 1960, il a fallu importer de la matière première à la suite de plusieurs années de mauvaises récoltes. Pour faire face à la pénurie des stocks, l’état lançait des appels d’offres et l’alcool pur importé provenait surtout d’Afrique du Sud et de Yougoslavie. Le Brandy français se voyait déjà être fait d’assemblage d’eaux-de-vie de pays étranger et ne provenant pas du territoire national.

En 1989 voit la naissance du premier règlement communautaire sur les spiritueux. La France ne pouvait alors plus utiliser le terme Brandy en raison de l’application du Traité de Madrid en 1946. Effectivement, le terme de Brandy était destiné aux eaux-de-vie des pays tiers, elle ne pouvait utiliser ce terme que pour les eaux-de-vie de vin qu’elle exportait. Le Brandy est alors devenu un alcool non encadré qui comportait généralement d’autres composants que l’eau-de-vie de vin. Parallèlement, même si le mot Brandy n’était plus employé en France, les eaux-de-vie de vin ont toujours survécu, et avec elle, les méthodes traditionnelles utilisées servant à bonifier cette boisson et faisant état du savoir-faire français en la matière.

Depuis 1989, le Brandy est de nouveau utilisable en France en lieu et place de l’eau-de-vie de vin. Le Brandy Français a même fait l’objet d’une reconnaissance européenne lors de la refonte de ce règlement en 2008. Une reconnaissance qui devra être confirmée par la mise en route du présent cahier des charges.

C’est sur cette longue et riche histoire que s’appuie le Brandy en France qui est de loin le leader européen, avec plus ou moins 300 000 hl/ap/an (soit 9 millions de caisses de 12 bouteilles ou 110 millions de bouteilles). Soixante pour cent (60 %) des Brandies exportés en bouteilles au départ de l’Union européenne sont produits en France. L’essor des exportations de Brandies Français au cours des siècles suivants vit l’apparition et le développement de l’usage de la mention « Napoléon » en tant que mention destinée à identifier la mise en œuvre des savoir-faire français auprès des consommateurs internationaux. La présence de cette mention constitue historiquement un usage loyal et constant, gage de qualité et signe de reconnaissance des savoir-faire français. Enfin, la qualité du produit est confirmée par l’obtention de médailles dans les concours internationaux prestigieux, tels que « San Francisco Spirits Competition » et « International Wine and Spirit Competition ». Le premier concours accorde des prix aux « French Grape Brandy » ; le second dispose d’une catégorie « French Brandy » qui prime une dizaine de lauréats chaque année.

La contrepartie de cette notoriété est la présence de contrefaçons. Contrairement à d’autres spiritueux de nature similaire, la notoriété de l’Indication Géographique Brandy Français est nettement supérieure à celle des marques l’utilisant. On trouve ainsi des traces régulières de Brandy Français aux origines suspectes en particulier en Asie.

Distillation

Depuis plus d’un siècle, la distillation du Brandy s’appuie sur des techniques et des savoir-faire reconnus. La distillation peut s’effectuer en continu ou discontinu. Elle peut être simple (avec ou sans repasse) ou multiétagée (colonne). Ces pratiques historiques illustrent la tradition française de distillation qui assure une authenticité du procédé de production alliant une tradition centenaire et des techniques historiques.

Vieillissement

La totalité du processus de vieillissement du « Brandy Français »/« French Brandy » se produit sur le territoire français sachant que les eaux-de-vie et distillats utilisés ne doivent jamais avoir été en contact avec du bois en dehors de l’aire géographique.

Le vieillissement est réalisé exclusivement en récipient de bois de chêne, d’espèce dites sessiles (Q. robur), et/ou pédonculées (Q. petraea L.) ou leur croisement.

La durée de vieillissement dans l’aire géographique est deux fois supérieure à la norme européenne. Ce facteur favorise l’expression des conditions climatiques propres au pays ainsi que des conditions techniques et des savoir-faire traditionnels qui se sont développés au cours de l’histoire de France.

Les chais sont construits en pierre et/ou en matériaux isolants, ils procurent aux eaux-de-vie et distillats de vin des conditions de température et d’hygrométrie favorables au vieillissement, avec une inertie thermique importante. Ces chais ne sont ni chauffés ni climatisés de façon à préserver néanmoins des variations de température de nature à favoriser le vieillissement.

Au cours du processus de vieillissement, plusieurs phénomènes physico-chimiques vont se combiner : évaporation d’une partie de l’eau et de l’alcool, concentration des différentes substances, extraction de composés issus du bois, oxydation, réactions d’estérification, d’acétalisation. Ces phénomènes sont influencés par les caractéristiques initiales des produits mis en vieillissement ainsi que par les caractéristiques du climat, des chais de vieillissement, des types de logements de chêne utilisés.

Il existe des interactions entre ces différents éléments, qu’une longue expérience permet de maitriser et de transmettre, en s’appuyant sur des savoirs empiriques et scientifiques développés dans les nombreuses régions viticoles françaises.

La filière du Brandy Français dispose de capacités de vieillissement en bois de chêne de plus de 500 000 hectolitres qui couvre largement ses besoins.

Coupage, assemblage et opérations de finition

L’assemblage repose sur des méthodes pratiquées depuis le début du 19e siècle et transmises de génération en génération et confère au « Brandy Français »/« French Brandy » ses caractères organoleptiques.

Chaque eau-de-vie et chaque distillat de vin connaissent leur propre parcours de vieillissement et donc leurs propres caractéristiques organoleptiques. Leur mise en valeur va dépendre des interactions avec les autres eaux-de-vie et les autres distillats avec lesquelles elles vont être assemblées. Tout l’art de l’assemblage et du mélange se trouve dans cette capacité à identifier le potentiel de chaque lot et leur évolution future en fonction des associations réalisées. Pour ce travail, le maitre de chai s’appuie sur des analyses organoleptiques, d’abord visuelles pour estimer la structure du produit, puis olfactive pour déterminer les familles d’arômes et leur intensité, et enfin gustative pour appréhender la persistance et la consistance du lot. À ce stade, le maitre de chai peut estimer qu’un lot mérite un traitement particulier par son profil organoleptique. Il peut le réserver à un assemblage spécial, voire ne pas l’assembler et le proposer à la vente directement après les opérations de finitions.

La capacité à pouvoir identifier précisément chaque lot nécessite plusieurs années d’apprentissage et une importante phase de transmission par des pairs. De nombreux maitres chais sont par ailleurs formés à la dimension technique du produit grâce à la présence en France de nombreuses formations et centres de formation qui préparent à l’œnologie ou à la fabrication de spiritueux.

Lorsque ces lots sont identifiés, la mission la plus complexe dans le process de fabrication consiste à estimer le moment où procéder aux assemblages/mélanges et les pourcentages à mettre en œuvre afin de parvenir à un équilibre et une expression aromatique conforme aux attentes de l’indication géographique. C’est à ce moment qu’interviennent également les éventuels mélanges avec l’adjonction de distillat. Les pratiques usuelles poussent à procéder à ces opérations d’assemblage/mélange au minimum un mois avant les opérations de finition et d’expédition et en tout état de cause avant les opérations éventuelles de réduction. Ce délai qui peut varier est nécessaire pour que le mariage entre les différentes eaux-de-vie et le distillat dans le cas où il est ajouté se fasse dans les meilleures conditions et assure une homogénéité de l’ensemble.

Lorsque cet assemblage est finalisé, le maitre de chai procède progressivement à des phases de réduction afin de conduire le produit à son degré d’alcool de commercialisation. Cette phase coïncide généralement avec les opérations de finition limitées aux seules adjonctions de boisés et ajustement de l’obscuration et de la couleur.

La réussite des opérations d’assemblage et de finition exige un haut savoir-faire et surtout un stock important, offrant une diversité de lots afin de concevoir un Brandy répondant au niveau d’exigence de l’indication géographique et des clients finaux.